Grâce à AntWeb, les fourmis partent à la conquête de Wikipédia !

AntWeb est une extraordinaire base de données développée par la California Academy of Science qui a pour but de recenser et de faire connaître la diversité du monde des fourmis. Elle contient plus de 30 000 photographies d’une qualité exceptionnelle, décrivant chaque espèce.

AntWeb
Le site AntWeb fait plus que nous faire connaître toutes les fourmis du monde : il les libère sur la Toile !

A l’origine, le site avait été placé sous licence Creative Commons BY-NC-SA (Attribution-Usage Non Commercial-Partage à l’identique), relativement permissive, mais incompatible avec les règles de l’encyclopédie collaborative Wikipédia.

Qu’à cela ne tienne ! Waldir Pimenta, un wikipédien qui raconte cette histoire sur ce blog, n’a pas hésité à demander aux développeurs d’AntWeb de modifier leur licence pour passer en Creative Commons BY-SA, ce qu’ils ont accepté :

Je leur ai envoyé un mail leur suggérant de changer leur licence. Lorsqu’ils ont répondu, j’ai découvert qu’ils avaient déjà eu ne interne des discussions au sujet des licences depuis un moment. Je suis resté en contact, et je me suis assuré de leur faire connaître les avantages qu’ils pourraient retirer à ce que leur travail soit diffusé sur des sites à fort trafic comme Wikipédia, Commons ou WikiSpecies.

J’aime à penser que ce petit coup de pouce les a aidé à prendre leur décision, quelque peu après, non seulement pour changer leur licence en une CC-BY-SA, mais aussi pour charger eux-mêmes toutes leurs images sur Commons ! Cela faisait partie de leur mission : « offrir un accès universel à l’information sur les fourmis ».

Auparavant, Le projet AntWeb était concentré seulement sur la numérisation et le développement de leur site web ; mais à présent, ils ont également décidé « d’exporter » le contenu d’AntWeb pour améliorer l’accès. Mettre les images et les métadonnées associées sur Communs a constitué un exemple de leur activité de sensibilisation.

Vous pouvez trouver ici  les 30 000 images que le musée a chargé dans Wikimedia Commons.

Quand on pense que La Fontaine a osé écrire « La fourmi n’est pas prêteuse » ! (Aphaenogester cockerelli. AntWeb. CC-BY-SA. Source : Wikimedia Commons)

L’aventure ne fait  que commencer, puisqu’à présent la communauté des wikipédiens va pouvoir réutiliser ces photos pour illustrer les pages de WikiSpecies, le répertoire libre du vivant ou encore développer l’arbre des catégories de fourmis de Wikimedia Commons qui permet de naviguer parmi les espèces.

Vous allez peut-être rire, mais je vois dans cette belle histoire d’Open Access comme un symbole très fort…

Car les fourmis sont à mes yeux l’emblème de l’intelligence collective

Cette force puissamment à l’œuvre sur Internet qui reste invisible au paradigme individualiste étroit sur lequel est construit la propriété intellectuelle.

Grâce à AntWeb, la connaissance du monde myrmécéen va pouvoir se diffuser et s’organiser par le biais de processus collectifs, sur Wikipédia et ailleurs sur la Toile.

Un peu comme si les deux moitiés de l’intelligence sur terre étaient mises en contact…

Wikipédia n’est-elle pas elle-même une sorte de fourmilière de la connaissance, qu’aucun de ses contributeurs ne peut plus signer et qui existe au-delà des apports individuels ?

Je retrouve un texte écrit il y a deux ans dans mon mémoire d’étude, au moment où je commençais à peine à m’intéresser au droit d’auteur, extrait d’un chapitre intitulé « Du modèle de l’architecte au modèle de la fourmilière » :

L’exemple phare de ces oeuvres communautaires est bien sûr Wikipédia, l’encyclopédie libre en ligne, qui suscite beaucoup d’intérêt, mais aussi de réticences de la part des bibliothécaires. D’un point de vue juridique, ce type d’oeuvres constitue lui aussi un important renversement de la logique du droit d’auteur. L’application des règles classiques conduirait à attribuer à Wikipédia la qualification d’ « oeuvre de collaboration » : chaque participant se verrait ainsi reconnaître un droit sur ses contributions. On pourrait aussi y voir une « oeuvre collective », dont la propriété appartiendrait conjointement à la société qui gère l’ensemble et aux contributeurs, à l’instar de ce qui existe pour les encyclopédies classiques.

Mais on sent bien que ces deux concepts ne correspondent pas à la réalité nouvelle que constitue Wikipédia : les contributeurs sont trop nombreux, la centralisation trop faible, les apports de chacun trop minimes, les modifications trop rapides pour que l’on puisse continuer à « plaquer » les notions classiques du droit d’auteur ; voire peut-être à parler d’auteur. Il semble qu’avec les « wiki « , surgissent de l’environnement numérique les premiers objets qui ne peuvent tout simplement plus être saisis par le droit d’auteur.

C’est que celui-ci est trop fortement marqué par une conception « romantique » de la création issu d’un autre temps, dans laquelle les oeuvres étaient créées par des auteurs solitaires, comme des prolongements de leur propre personnalité pour être ensuite révélées au public qui les recevait passivement. Ce modèle d’un auteur-architecte, qui conçoit a priori le plan de sa création avant de la réaliser, est profondément bouleversé par des oeuvres comme Wikipédia, qui ne sont plus seulement «collaboratives», ni même «collectives», mais «communautaires» au sens fort du terme. On est ici en présence d’objets, qui finissent par acquérir une vie et une identité indépendantes de celles de leurs innombrables créateurs. Wikipédia ressemble moins à une architecture qu’à une fourmilière : ouvrage communautaire créé sans que n’existe de plan dans aucun esprit ; doué de permanence tout en changeant constamment ; sacrifiant l’intérêt des individus au nom de l’intérêt général. Comment un système aussi profondément individualiste que le droit d’auteur pourrait-il saisir le sens d’un tel objet ?

Allez, je ne vous cache rien : j’ai une grande fascination pour les fourmis.

Je suis une fourmi, à l’âge de l’information, qui aspire à participer à quelque chose qui la dépasse dans la grande fourmilière virtuelle…

Je veux rendre à l’intelligence collective tout ce qu’elle me donne.

Pour comprendre ce qu’est l’intelligence collective, cliquez sur l’image. (Acanthomyrmex. AntWeb. CC-BY-SA)

6 réflexions sur “Grâce à AntWeb, les fourmis partent à la conquête de Wikipédia !

  1. J’ai voulu comprendre ce qu’était l’intelligence collective en cliquant sur l’image et je me suis retrouvé devant une publicité.

    Je préfère de loin une intelligence unique qui dessine des moutons…

    1. Etonnant, moi quand je clique je tombe sur une vidéo sur Youtube qui montre comment une communuaté de fourmis est capable de résoudre un problème complexe, mais il y a de la pub’ sur Youtube effectivement.

      Vous soulevez quand même un problème important, qui réside dans la façon dont l’intelligence collective peut être récupérée et utilisée sur Internet à des fins commerciales (voir ici pour un bel exemple).

      Ceci étant dit, cela ne me fera pas préférer les moutons aux fourmis !

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